Les secrets de la croix et de l’amour

L’état de pure souffrance est un état exempt de toute consolation soit divine, soit humaine, soit naturelle, où l’on a plus ou moins à souffrir de Dieu, des bienheureux, des démons, des personnes et des choses avec lesquelles on est en rapport ; du passé, du présent, de l’avenir, enfin de tout et de soi-même, corps, âme, cœur, conscience. Sauf l’état du péché, il n’y en a certainement pas de plus épouvantable pour la nature.

Et le chemin de la Croix est un chemin de croix, et la croix que porte l’âme qui y marche dans l’état de pure souffrance, est une croix composée de toutes sortes de croix.

Les plus pénibles sont celles qui viennent directement du Bien-Aimé ; les plus accablantes, celles qui viennent de nous ; les plus exerçantes, celles qui viennent des créatures ; les plus redoutables, celles qui viennent de Satan ; les plus désirables et en même temps les plus pesantes, celles qui viennent de l’amour. Car l’amour règne et opère dans le chemin de la croix, triomphe et jouit dans l’état de pure souffrance. Sans l’amour, le chemin de la croix serait le chemin de l’enfer, et l’état de pure souffrance celui des réprouvés, mais avec l’amour ce chemin est celui du Ciel, et cet état de pure souffrance, celui qui est le plus près de l’état de pure jouissance, qui est celui des bienheureux. »

Et tout est croix dans le chemin de la Croix, et croix du matin au soir et du soir au matin, si l’on y marche dans l’état de pure souffrance. Le sommeil lui est une croix, parce qu’il prive l’âme de la présence de son Bien-Aimé ; le réveil lui est une croix, parce qu’un jour est ajouté aux jours de son exil ; la prière lui est une croix, parce qu’elle y souffre les opérations de Dieu.

Le Saint Sacrifice lui est une croix, parce qu’il est le renouvellement de la mort de son Bien-Aimé ; la communion, parce que, ne voyant pas celui qu’elle reçoit, son amour s’en irrite plus qu’il n’est satisfait ; le travail, parce qu’il contrarie la nature, bien plus encore s’il la détourne tant soit peu de son objet. Le manger lui est une croix, parce qu’elle n’a plus faim et soif que de l’Agneau sans tache ; le parler aux créatures, parce qu’elle ne voudrait plus se faire entendre qu’au Créateur, son Dieu, lequel occupe toutes ses pensées et affections.

La confession lui est une croix, parce qu’elle y déplore le plus grand des malheurs, le péché ; la souffrance, parce que le vieil homme n’aime pas à souffrir ; et si quelque jouissance surprend l’âme dans l’état de pure souffrance, ce lui est une croix, car l’homme nouveau, qui est Jésus-Christ, n’aime pas à jouir.

Et ces croix, l’âme les aime parce qu’elles lui viennent de la main de son Bien-Aimé.

Transverbération du coeur de Notre Mère Sainte Thérèse d’Avila (broderie)


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