Sur la vie purgative

La vie purgative est cette première phase de la vie spirituelle dans laquelle l’âme, touchée de la grâce, repasse ses péchés dans l’amertume de son cœur, et en fait pénitence. Les principaux actes intérieurs de la vie purgative sont : le souvenir des péchés, la confusion, la contrition, le bon propos, la prière. Les principaux actes extérieurs de la vie purgative sont : la confession, la recherche des humiliations, la pratique des austérités, les travaux, nom sous lequel il faut entendre tout ce qui est pénible à la nature, enfin la solitude et le silence.

Le souvenir des péchés est inutile sans la confession. La confusion intérieure qui n’est pas accompagnée de la recherche des humiliations est la confusion de l’orgueil et non de l’humilité. La contrition est suspecte sans la pratique des austérités. Le bon propos sans générosité dégénère en velléité. La solitude et le silence sans la prière ne sont propres qu’à engendrer pour l’âme pénitente cette tristesse dont parle l’écriture qui abat, décourage et donne la mort. La confession doit être exacte, humble, sincère et aussi fréquente que possible ; on doit chaque fois confesser d’une manière générale tous les péchés de sa vie, et s’accuser en particulier de celui ou de ceux qui font le plus de peine.

Le prêtre est le seul auquel on soit tenu de confesser ses péchés, mais on ne doit pas se faire passer pour ce que l’on est pas ! Oh ! qu’une âme vraiment repentante est éloignée de ce déguisement ; elle voudrait qu’il lui fût permis de se confesser publiquement.

Les autres exercices extérieurs de la pénitence, la solitude, le travail, le silence, les austérités, les humiliations doivent, généralement parlant, s’adapter à la règle que l’on a embrassée, et si elle ne les renferme pas on n’en a que plus besoin d’être bien guidée et de se laisser bien guider. Au souvenir de ses péchés, il faut joindre celui des grâces reçues, d’abord par reconnaissance, ensuite pour s’exciter à la confiance. A la confusion de soi-même, il faut joindre l’amour de sa propre abjection et l’exaltation des perfections de Dieu, se réjouissant d’autant plus en lui qu’on peut moins le faire en soi-même. La méditation de la Passion de Jésus-Christ est la principale source où il faut aller puiser la contrition. Le bon propos doit être accompagné d’une grande défiance de soi-même, elle porte l’âme à prier. Les psaumes pénitentiaux sont un modèle achevé de la prière soit mentale, soit vocale, de l’âme repentante. Cependant, il ne faut pas oublier ce que dit saint Paul, que l’Esprit-Saint pousse en nous des gémissements inénarrables par lesquels nous crions : Père, Père ! On doit donc le laisser prier à son gré, et ne se prescrire, ni ne s’interdire aucune formule que par son mouvement.

L’âme pénitence fait tout en esprit de pénitence, mais sans contention ni contrainte, et sans gêner l’attrait du moment.

Elle est toujours de l’avis des personnes qui la blâment, même lorsqu’elles le font sans sujet. Elle trouve toujours qu’on lui parle avec trop de bonté, même lorsqu’on le fait avec sévérité. Elle trouve toujours qu’on la ménage trop, même lorsqu’on la ménage le moins. Elle trouve toujours qu’on a trop d’égards pour elle, même lorsqu’on n’en a aucun. En compagnie, elle se juge indigne de la société des créatures, et en solitude, elle se juge encore plus indigne de celle de Dieu. Elle s’étonne qu’on pense à elle, qu’on daigne lui parler, et qu’on pousse la bonté jusqu’à lui permettre de prendre la parole.

Soit que les choses lui réussissent, soit qu’elles ne réussissent pas, elle estime que, s’étant révoltée contre Dieu, tout devrait lui résister et se révolter contre elle. Elle se répute indigne de toute consolation, et digne de tout châtiment.

La vie purgative ainsi comprise et ainsi pratiquée, est une vie d’amour et d’amour héroïque, soit pour ce que l’on y fait, soit pour ce que l’on y souffre, tant de soi-même que des démons et de Dieu. Lors même que le Seigneur se montre juge et juge irrité, il faut voir en lui un Sauveur, un médecin, un avocat, un pasteur, et un père. La place de l’âme pécheresse est aux pieds de son Seigneur, mais elle ne doit pas faire de difficulté de frapper à la porte de son cœur et même d’entrer dans son âme, attendu qu’elle est le modèle par excellence de l’âme pénitente, sa compagne, son amie, et qu’elle est assurée d’y trouver toujours Dieu favorable. Là, les tentations sont moins violentes, les impressions moins dangereuses, les difficultés moins grandes, les distractions moins opportunes, les combats moins rudes et la victoire plus assurée. Pour toutes ces raisons, et pour une foule d’autres, j’estimerais bienheureuse l’âme qui choisirait l’intérieur de Jésus pour le lieu de sa retraite et de sa pénitence, l’âme qui s’y renfermerait comme le ver dans le coton, jusqu’à ce qu’ayant pris des ailes et étant tout transformée en Jésus, elle en soit retirée pour voler et se reposer dans l’union. Ainsi soit-il.

Soeur Marie Aimée de Jésus o.c.d.


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