A la suite d’une retraite prêchée en 1873, Sœur Aimée de Jésus parcourt très simplement toutes les actions de sa vie religieuse pour les vivifier à nouveau par le seul mobile de l’amour. |
Considérant que pour mourir d’amour, comme mon Jésus m’en a donné le désir à l’âge de sept ans, il faut que je vive d’amour, il faut que ma vie soit avant tout un continuel exercice d’amour, j’ai pris la résolution de régler d’une manière définitive, quoique toujours subordonnée à l’attrait de la grâce, les différentes pratiques de piété que Notre-Seigneur m’a inspirées, ayant remarqué bien souvent et constaté de nouveau pendant cette retraite, que lorsque j’y suis fidèle, ma ferveur se soutient et augmente, tandis qu’au contraire, lorsque je les néglige, elle se ralentit et diminue sensiblement.
Art. 1er . Communion. – Ma vie sera une continuelle préparation à la sainte Communion, et je veillerai sur moi avec la plus grande attention pour qu’il ne m’échappe aucune faute qui me rende indigne de la faire toutes les fois que la règle me le permet. Je me priverai de la sainte Communion, si, ce qu’à Dieu ne plaise, il m’arrive jamais de commettre un péché véniel de propos délibéré, ou de scandaliser une de mes sœurs. Chaque fois que j’aurai été trois mois sans commettre volontairement une imperfection, je demanderai humblement une Communion de grâce. J’aurai toujours une intention particulière en faisant la sainte Communion. Je ferai la Communion spirituelle plusieurs fois par jour et plusieurs fois la nuit, surtout lorsque je devrai le lendemain communier sacramentellement.
Art. 2. Office divin. – Le plus souvent, je me transporterai en esprit dans le Ciel, devant l’Auguste Trinité, au milieu des séraphins, et là je m’unirai aux anges, aux saints, spécialement à celui dont on célèbre la fête, à la Sainte Vierge, à Notre-Seigneur, pour louer Dieu avec plus de perfection. Outre l’intention particulière que j’aurai toujours en récitant le saint Office, je dirai le Magnificat pour remercier Dieu de toutes les grâces qu’il a accordées à l’humanité de son divin Fils, de toutes celles dont il a comblé la Sainte Vierge et toutes les créatures, de celles qu’il m’a faites à moi-même et qu’il daignera me faire encore. Pendant le Te Deum, je le remercierai plus particulièrement de l’amour qu’il a donné aux séraphins et à tous les saints et saintes qui ont mérité de leur être réunis. Je réciterai le Benedictus pour la conversion des infidèles.
Art. 3. Oraison. – Je ferai très exactement chaque jour les deux heures d’oraison, marquées par la constitution, et celle qui m’est donnée en plus lorsque le Saint Sacrement est exposé. Alors surtout je me souviendrai de ce que notre séraphique Mère a dit au Père Gratien après sa mort : » Nous qui sommes au ciel et vous qui êtes sur la terre, nous ne devons faire qu’un en pureté et en amour, nous, au ciel, en contemplant l’essence divine ; vous, dans l’exil, en adorant le Très Saint Sacrement ; nous, en jouissant, vous, en souffrant, c’est en cela que nous différons, et plus vous souffrez sur la terre, plus vous jouirez un jour dans le ciel. «
En outre, je ferai tout ce qui dépendra de moi, comme la règle me l’ordonne, pour ne jamais perdre Dieu de vue, m’exposant continuellement aux ardeurs de Celui qui a dit : » Je suis un feu consumant, » et encore : » Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon désir sinon qu’il s’allume? «
La Sainte Vierge m’ayant fait connaître que le moyen de mourir d’amour était de ne passer aucun jour sans penser aux mystères de la Sainte Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption, la première fois que je m’éveillerai, je me mettrai en présence de Dieu : Père, Fils et Saint-Esprit, Dieu très haut, infiniment beau, infiniment parfait, infiniment saint, infiniment bon, tout-puissant, mon principe et ma fin et je ferai les actes suivants : actes d’adoration, d’amour, de louange, d’humilité, de reconnaissance, de soumission et d’offrande.
La seconde fois que je m’éveillerai, je me lèverai en l’honneur de l’incarnation du Verbe dans le sein de la plus pure des vierges ; et, après avoir pensé pendant quelques temps à ce mystère d’amour, je me consacrerai tout de nouveau à mon divin Jésus. Et parce que tout en lui est digne de louange et l’objet de ma dévotion, je réciterai la prière qui commence par ces mots : » Anima Christi, « puis la Salutation angélique.
La troisième fois que je m’éveillerai, je m’occuperai de la Passion de Notre-Seigneur et dans cette considération comme les deux autres, je m’exciterai à un grand amour.
Art. 4. Lectures. – Le matin, après les Heures, lorsque je les aurai terminées avant la communauté, je lirai un chapitre du Cantique des Cantiques. Le jour de la confession, je m’en abstiendrai en esprit de pénitence.
Après la sainte messe, je lirai le dimanche un chapitre du Nouveau Testament. J’y trouverai la lecture qui convient le mieux à mon âme : l’Evangile à la lettre et les enseignements que Notre-Seigneur m’a donnés et dont il me demandera compte.
Dans le courant de la journée, je lirai comme il est recommandé, un point de Constitution et un chapitre de l’Imitation de Jésus-Christ, excepté le samedi, où je prendrai mon chapitre dans l’imitation de la Sainte Vierge. Je ferai très exactement le quart d’heure de lecture en usage avant l’oraison, dans la Bible ou dans quelqu’autre livre de piété, spécialement sainte Thérèse, ou autres saintes propres à m’enflammer de l’amour de Dieu.
Art. 5. Visites au Saint Sacrement. – J’en ferai trois chaque jour, la première dès le matin, aussitôt que je serai habillée. La seconde l’après-midi, et la troisième avant de prendre le repos de la nuit.
Je ne passerai jamais devant le lieu où repose le Saint Sacrement sans l’adorer, sans faire un acte d’amour. Autant que possible, je ferai tous mes exercices de piété en sa présence. Le Saint Sacrement c’est le foyer auprès duquel j’irai le plus souvent que je pourrai m’embraser de feu de l’amour divin.
Art. 6. Examen. – Je ferai mon examen après chaque action, mais principalement à midi et le soir comme la constitution le prescrit. Mon examen particulier sera sur l’humilité, parce que l’amour-propre est de tous les défauts le plus opposé à l’amour de Dieu.
Chaque fois que je m’apercevrai que j’ai eu le malheur de commettre une faute, j’en demanderai pardon à Notre-Seigneur.
Art. 7. Confession. – Je ne perdrai aucune occasion de me confesser et de recevoir l’absolution. Je me disposerai à la confession dès la veille au soir, en invoquant les saints pénitents et pénitentes et en demandant à Notre-Seigneur, par leur entremise, la connaissance et la contrition de mes péchés. C’est à cette intention que je dirai chaque jour l’antienne à sainte Madeleine, parce que la componction est une des dispositions que Notre-Seigneur aime le plus à trouver dans mon âme, et que les larmes qu’elle fait répandre attisent les flammes de l’amour divin.
Le jour de la confession, je la préparerai dans l’oraison du matin, ainsi qu’il nous est recommandé.
Je ferai toujours mon examen comme si je devais faire une confession générale et je m’exciterai toujours à la contrition parfaite selon la méthode que m’a enseignée mon divin Maître.
Je serai aussi fidèle à faire mon action de grâces, après la confession, qu’après la communion. Je ne différerai point ma pénitence et, pour m’en acquitter avec plus d’humilité et de douleur, avec plus de reconnaissance, de confiance et d’amour, je penserai que j’ai mérité l’enfer.
Art. 8. Esprit de Foi. – Je verrai Dieu dans tous les événements et je louerai sa justice, sa miséricorde, sa sagesse, sa providence et son amour infini. J’honorerai la personne adorable de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans toutes les personnes qui sont chargées de me gouverner, de m’instruire, de me diriger et qui ont quelque autorité sur moi, et je leur obéirai comme à lui-même.
Je m’appliquerai encore à ne voir que Notre-Seigneur dans toutes les personnes avec lesquelles j’aurai des rapports, parce qu’il m’a montré qu’il était divinement jaloux de toutes mes pensées, de tous mes sentiments, de toutes mes paroles, de toutes mes œuvres, de tous mes regards, même du moindre de mes sourires, bien que tout ce qui vient de moi soit si méprisable et si indigne de lui.
Art. 9. Pureté d’intention. – Au commencement de chaque heure et de chacune de mes actions, je ferai le signe de la croix, pour que tout soit au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et pour leur plus grande gloire.
Dans toute mes actions, je m’unirai à Notre-Seigneur, afin que, conformément à ce qu’il m’a promis, il les fasse lui-même en moi. Alors, je n’aurai plus qu’à adhérer à lui, c’est-à-dire à mourir en quelque sorte à mes propres opérations, pour le laisser agir en moi selon toute la vertu de sa dignité.
Art. 10. Obéissance. – J’obéirai aux commandements, aux intentions et aux désirs, intérieurement et extérieurement, selon la lettre et selon l’esprit, à tout le monde et toujours, hormis le cas où l’on me commanderait une chose défendue.
Art. 11. Charité. – J’observerai très fidèlement les règles de charité que j’ai prescrites aux sœurs du Noviciat. Je prierai tous les jours, principalement pendant les Litanies de la Sainte Vierge, pour les pécheurs, pour les pauvres, les affligés, les malades, les voyageurs, les familles, les prisonniers, à plus forte raison pour la sainte Eglise, pour le Souverain Pontife, pour les Evêques et les prêtres, pour les religieux et les religieuses, pour notre saint Ordre, pour ma communauté, pour le Noviciat, pour mes parents, bienfaiteurs, amis et ennemis. Je n’oublierai pas les âmes du purgatoire et je gagnerai pour elles autant d’indulgences que je pourrai.
Art. 12. Pauvreté. – Je recevrai tout en aumône et comme de la main de Notre-Seigneur, et, par conséquent, je ne me plaindrai jamais.
Art. 13. Exactitude. – Je ferai en sorte de pouvoir toujours me rendre aux actes de communauté au premier son de la cloche, qui sera pour moi la voix de l’Epoux.
Art. 14. Solitude et Silence. – Je me retirerai le plus possible de la compagnie et de la conversation des créatures.
Art. 15. Humilité. – Je me tiendrai, autant que cela dépendra de moi, anéantie devant Dieu et devant les hommes.
Lorsque je penserai qu’une personne a de l’estime pour moi, je ferai tout ce que je pourrai pour la lui ôter.
En dehors de la sainte Messe et de l’office divin, cinq fois par jour, je ferai confession générale de mes péchés, par la récitation du Confiteor : avant l’oraison du matin et avant celle du soir, restant dans cet état d’humiliation et de repentir de mes fautes, jusqu’à ce qu’il plaise à Notre-Seigneur de m’appeler à une autre oraison ; avant Vêpres, pendant les cinq minutes destinées à la préparation, à neuf heures du matin, à quatre heures de l’après-midi, et ces deux fois j’ajouterai : » Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. «
Tous les soirs après mon examen, je ferai à une de mes sœurs, l’humble et sincère aveu de toutes mes fautes de la journée, et j’en demanderai l’absolution à Notre-Seigneur.
Outre cela, j’aurai une sœur qui me surveillera et m’avertira, en licence, de mes manquements et défauts. De plus, je prierai souvent notre Révérende Mère et les zélatrices, de me reprendre publiquement de mes fautes, et je les accuserai moi-même de la manière la plus humiliante.
Pour entretenir l’estime que j’ai de mes sœurs et le mépris profond que je dois avoir de moi-même, je lirai de temps en temps le portrait que j’ai fait de chacune de mes sœurs et celui que j’ai fait de moi-même. Je baiserai quelquefois la trace de leurs pieds, mais de manière à n’être point vue.
Je n’aurai jamais la hardiesse de parler à mon avantage, et lorsqu’on m’aura dit quelque parole flatteuse, je me souffletterai comme je le mérite, dès que je serai seule.
Je me considérerai non pas comme la servante de toutes les autres, puisque, à cause de mes infirmités, ou plutôt de mes péchés, je suis dispensée de la plupart des offices de la communauté, mais comme une servante inutile. Du moins je servirai le plus que je pourrai.
Je desservirai souvent au réfectoire, principalement le jeudi, en mémoire du grand acte d’humilité que Notre-Seigneur pratiqua la veille de sa mort, en lavant les pieds à ses apôtres.
Enfin je n’omettrai rien pour détruire en moi jusqu’aux derniers restes de l’amour-propre, afin qu’il n’y ait plus en moi d’autre amour que l’amour de Jésus.
Art. 16. Mortification. – Je m’appliquerai d’autant plus à la mortification intérieure que mon état de langueur, les maux continuels de tête et de cœur ne me permettent plus de jeûner, de veiller, de pratiquer de grandes austérités. Néanmoins, en fait de nourriture, de sommeil, de soulagements, de distractions, et même de consolations spirituelles, comme certains entretiens, je me refuserai tout ce que je pourrai raisonnablement m’interdire.
Je renouvelle la convention que j’ai faite avec moi-même, de regarder comme des attentions de Notre-Seigneur tous les manques d’attention des créatures, de m’en réjouir avec lui et de l’en bénir.
Je ferai très exactement les deux mortifications par semaine, en usage au réfectoire. Tous les mois, j’en ferai une extraordinaire. Je ferai les mêmes exercices de pénitence que la Communauté ; le mercredi, je le prolongerai pendant un second Veni Creator pour l’intention que je crois être dans le désir de Notre-Seigneur.
Art. 17. Pratique de Renouvellement. – Pendant la semaine des Quatre-Temps, je ferai le mercredi, jeudi, vendredi et samedi, une retraite intérieure pour examiner l’état de mon âme. Je lirai ces résolutions pour voir si je les accomplis. Je me regarderai dans les différents miroirs que Notre-Seigneur m’a donnés.
Un autre jour que celui de la confession, je dirai au réfectoire les fautes que j’aurai commises depuis les derniers Quatre-Temps.
La veille de la confession, je ferai le chemin de la croix, et je prendrai une discipline sanglante.
A cette même époque, je visiterai notre cellule pour voir s’il n’y a rien dont je puisse me passer.
L’amour de Dieu doit être en moi le principe des autres vertus, le ressort de tous mes mouvements ; si j’agis par crainte ou seulement en vue de la récompense, je m’écarte de ma voie. Je dois rapporter à Dieu toutes mes pensées, toutes mes paroles et actions, toutes mes affections ainsi que toutes mes dévotions, même celle que j’ai pour la sainte Humanité de Notre-Seigneur, qui, avec la Divinité, est le sujet inépuisable et souverainement attrayant de mes oraisons et l’objet de mon amour, d’un amour intense qui tend à sanctifier mon âme, à liquéfier mon cœur, à dessécher mon sang, à consumer ma chair, à triompher de la mort en me faisant mourir.
Dévotion au Saint-Esprit. – Mon divin Maître ne m’a point enseigné d’autre manière d’honorer le Saint-Esprit, que de l’invoquer souvent, de suivre de moment en moment son inspiration et d’éviter soigneusement tout ce qui peut le contrister, parce qu’il est un esprit d’amour, mais lui-même cependant m’a donné des moyens auxquels aussi je serai fidèle.
Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. – J’honore le Cœur de mon Jésus comme l’organe le plus sensible et le symbole vivant de son amour. Je lui fais hommage de mes joies et lui confie mes peines. Je l’invoque plusieurs fois chaque jour et tous les premiers vendredis du mois, je communie en son honneur. J’attends de lui l’étincelle incendiaire, le coup mortel, le coup de grâce.
Dévotion à la Sainte Vierge. – Je m’adresse à elle dans tous les besoins comme une enfant à sa mère. Chaque jour, je me prosterne devant son image et lui fais la petite prière que Notre-Seigneur m’a apprise : » O Marie, je me donne à vous pour l’accomplissement de tous les desseins de Dieu sur moi. » Je récite ensuite quinze Ave Maria en l’honneur des quinze mystères du Rosaire que je médite l’un après l’autre, pendant quelques instants. Trois fois par jour, après l’Angélus, je récite trois Gloria Patri pour remercier la Très Sainte Trinité des grâces qu’elle a faites à la Sainte Vierge. Je dis l’Angélus pour demander à Notre-Seigneur, par l’intercession de la Sainte Vierge, les trois vertus qu’il désire le plus voir en moi : la pureté, l’humilité et l’amour.
Dévotion aux Saints Anges. – Tous les mardis, je communie en l’honneur de mon Ange Gardien et de tous les anges, spécialement des séraphins, je ne passe aucun jour sans les invoquer et sans dire avec eux : Sanctus, Sanctus, Sanctus !
Dévotion aux Saints. – Entre tous les saints, j’ai une dévotion particulière pour saint Joseph auquel je dis chaque jour : O grand saint Joseph, je vous confie la grâce de Dieu en moi (petite prière que Jésus m’a enseignée). J’ai aussi une dévotion spéciale pour saint Jean-Baptiste, pour saint Jean l’Evangéliste, pour sainte Thérèse, pour sainte Madeleine, enfin, pour tous les saints et saintes qui se sont distingués par un plus grand amour, spécialement pour les vierges martyres dans lesquelles je trouve ce que j’aime le plus et ce que l’Epoux divin veut surtout trouver en moi. Je vis avec ces séraphins que la terre a donnés au Ciel, et, chaque jour, je récite des litanies en leur honneur pour les prier de m’obtenir la grâce de vivre et de mourir d’amour.
Sœur Marie Aimée de Jésus o.c.d.
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