Esquisse biographique

Marie-Eugénie-Dorothée Quoniam naît le 14 janvier 1839 dans une très pauvre maison d’un modeste hameau du Cotentin : le Rozel.

Dieu lui a donné une intelligence très vive, et un cœur ouvert à toutes les délicatesses.

Son père, simple jardinier, a du mal à gagner la vie de sa famille, et Dorothée partage dès sa naissance la pauvreté de l’Enfant de Bethléem.

« Ma mère était une sainte qui avait pris Marie pour modèle », dira Sœur Aimée de Jésus, lorsqu’elle écrira par obéissance le récit de sa vie

(Autobiographie p. 2 – voir : Bibliographie).

« Du cœur de ma mère, Dieu choisit mon cœur pour y allumer, dès mon entrée dans la vie, le feu de son amour » (p. 2).

« Un jour je fus vivement frappée d’un nom dont elle l’appelait après l’Écriture et qui lui convient si bien, le Très-haut ! L’entretien fini, je me retirai à l’écart pour le méditer à souhait. Le Très-haut, répétais-je en regardant le ciel, le Très-haut ! Puis abaissant les yeux sur moi-même : que je suis petite, me disais-je. Mon Dieu posait en moi la base de ses opérations, l’humilité. Le Très-haut, repris-je, mais cette fois en déployant sous le souffle de l’Esprit Saint les ailes de mon âme, et étant ainsi arrivée à Celui qui m’attirait, le Père, je fus par lui fiancée à son Fils. J’avais environ quatre ans » (p. 5).

« Dans ce face à face d’esprit à esprit, car il n’y eut ni corps, ni forme, ni image, ni figure, ni quoi que ce soit de sensible et de palpable, je vis le Très-haut, seul Dieu en trois personnes. L’Esprit St comme l’aigle maternelle, me tenait, petit aiglon entre les serres de sa charité, afin que je soutinsse les feux du soleil de justice, que je restasse en présence du Père dans lequel m’apparaissait son Fils, et que je supportasse cet excès de bonheur et de gloire d’apprendre que j’étais destinée, moi chétive et frêle créature à devenir l’épouse de mon Seigneur, pourvu que j’y consentisse. J’y consentis et je fus fiancée à mon Bienaimé… » (p. 690 – retraite de 1867)

Dès lors, l’amour de son divin Fiancé n’a cessé de grandir avec elle.
Dans l’espoir d’améliorer les conditions de vie de sa famille, le père vient s’installer à Paris avec les siens. Mais en quelques années, tous moururent de misère, et Dorothée reste seule survivante.

Orpheline à 9 ans, elle est recueillie par les Filles de la Charité de la paroisse Saint Roch, à Paris :

Dorothée, à l’orphelinat des filles de la charité de Saint Roch

À l’ombre du sanctuaire, Dorothée sera heureuse. Toute jeune, elle exerce une influence bénéfique sur les autres enfants de l’orphelinat, et les religieuses le remarquent. On lui confie des responsabilités : elle sera présidente de « l’association des saints Anges », puis des « Enfants de Marie ».

Une élève plus jeune a laissé ce témoignage : « Je me sentais attirée vers elle et j’aimais à la regarder. Lorsqu’elle priait je lui disais, avec ma simplicité d’enfant : je voudrais prier comme vous ! […] L’humilité et la douceur paraissaient ses vertus de prédilection ; aussi on l’approchait sans crainte, étant sûre d’être toujours bien reçue » (p. 161, note).

« J’avais dix-huit ans et demi : la conversation tomba, évidemment à dessein, sur un sujet qui jusque-là avait été complètement négligé ; on finit par me faire à mots couverts une vraie proposition de mariage. L’inconnu rougit et baissa les yeux, car j’avais répondu par un sourire ironique qui avait atterré les témoins. Qu’était-il arrivé ? Mon divin Fiancé s’était montré aux yeux de mon âme, non plus comme aux premiers jours de ma vie, en tant que Dieu, dans le sein de son Père, mais en tant qu’homme dans tout l’éclat de sa jeunesse et de sa virginale beauté. Il s’était placé à côté de son rival, et du regard, oh ! quel regard ! il me dit : compare… Or, la différence était insoutenable… Un sourire divinement ironique, car il ne faut ici se représenter rien d’ordinaire, brillait sur ses lèvres pleines de grâce, et en le regardant il s’était reproduit sur les miennes ; c’était l’arme qu’il me donnait pour terrasser ses adversaires. À un certain moment, ne me sentant plus maîtresse de moi-même, j’avais prié mon Bien-aimé de se cacher quelque peu, et il avait disparu en laissant en mon âme le reflet de sa beauté. Ah ! si j’ai jamais fait un sacrifice héroïque, c’est bien en cette rencontre assurément. Mais mon Jésus m’en dédommagea bientôt, car m’étant enfuie à la chapelle après avoir congédié mes importuns visiteurs, non seulement il me tint longtemps ravie en sa présence, mais il daigna m’unir très intimement à lui […]
Si Notre Seigneur se montrait aux yeux de la multitude, tel que mon âme pécheresse l’a vu, il n’y aurait plus qu’une génération de vierges. L’amour est le fruit principal d’une grâce si exceptionnelle, un amour fort et ardent qui fait que l’on peut, avec saint Paul, défier toutes les créatures de l’arracher du cœur, et dire avec sainte Agathe : « Je suis solidement fondée et affermie en Jésus-Christ » (p. 173-174)

Enfin, elle peut réaliser son rêve : le 27 août 1859, elle entre au Carmel de l’avenue de Saxe, à Paris, où elle reçoit le nom de Sœur Marie-Aimée de Jésus. Six mois plus tard, elle reçoit le saint Habit du Carmel.

La fenêtre de cette cellule est la troisième ouverte à droite

Durant sa retraite de profession, le 10 avril 1861, elle reçoit une grâce qui va désormais orienter toute sa vie intérieure :

« Habitant pour lors la cellule qui a une plus belle vue que les autres sur le Saint Sacrement, et étant tournée vers ce divin Orient, tout à coup, l’âme adorable de Notre Seigneur m’apparut intellectuellement. Je demeurai longtemps ravie, ou plutôt je ne devais plus cesser de l’être, devant ce chef d’œuvre de la puissance de mon Dieu » (p. 302).

« J’avais vingt-deux ans, mon mariage mystique avec l’Époux des vierges venait d’être conclu, son amour seul l’y avait contraint, je n’en pouvais douter ! J’avais donc son cœur, ce cœur tant aimé et si digne de l’être. Oui, mais ce n’était point assez, et Jésus voulut me révéler définitivement et au grand jour ce qu’il y a en lui de plus intime, en même temps que me faire don de ce qu’il a de plus cher, son âme ! » (p. 304).

Désormais, elle va découvrir de plus en plus la grandeur de ce don, non seulement pour elle-même, mais aussi pour le donner aux autres. Le jour de sa Profession, elle s’écrie :

« Je ne suis plus à moi, je suis à Jésus-Christ, à l’Église et aux âmes… »


(p. 309)

Deux ans plus tard, sans l’avoir cherché, elle entreprend d’écrire, pour répondre à « l’impie Renan » (p. 430), qui vient de publier un livre niant la divinité du Christ.

« Quoi, je suis épouse, et je garderais le silence ? […] Ne dois-je pas venger mon Époux ? »


(p.390)

Six volumes, écrits dans des conditions qui défient les lois de la nature, jailliront de sa plume. Cette œuvre, qu’elle intitule Jésus-Christ est le Fils de Dieu, étonne les théologiens qui la lisent.


« Cette œuvre n’est pas la vôtre, lui dit le Père Gamard (savant théologien de la Compagnie de Jésus, et guide spirituel de Sr Marie-Aimée). Le doigt de Dieu est là ; c’est tout dire. Votre doctrine est pure, irréprochable ainsi que votre langage » (LTG 1).
« Votre travail peut servir de flambeau et de guide assuré aux âmes » (LTG 2).
« Il m’est évident que ces lumières dépassent de beaucoup la mesure de vos talents naturels et les limites de votre instruction religieuse » (LTG 9).
Dans cet ouvrage, écrit sous l’effet d’une inspiration puissante, la jeune carmélite laisse déborder le trop-plein de son amour pour Jésus-Christ, et communique les lumières qu’elle a reçues sur l’Âme du Sauveur.

L’amour qui la dévore pour son Époux, Notre Seigneur Jésus Christ, ne cesse de grandir :

« Je l’aime avec ardeur, avec passion, avec pureté, avec joie… Je l’aime !!… »


(p. 659)

Tableau actuellement dans le choeur des carmélites de Créteil

« Sa chair et son sang me servent de nourriture, je suis sa bien-aimée de toute éternité. Il a fait une transfusion de son Âme dans mon âme, il a uni son Cœur à mon cœur…» .


(p. 828)
Statuette du Sacré-Coeur avec laquelle Soeur Aimée dansa dans un transport d’amour (conservée au Carmel de Créteil)

« J’ai compris que la manifestation du Cœur sacré était pour préparer à recevoir celle de l’Âme, et provoquer à la manifestation de l’âme : elle est derrière ces flammes. La première porte est ouverte, celle du parvis ; scrutez le cœur, interrogez-le, il vous répondra qu’une âme l’anime.

Ô mon siècle, tu seras vraiment le siècle du progrès si tu connais l’âme de Jésus. »



(21 déc. 1871, notes inédites)

« Ma dévotion de choix est l’Incarnation. Oh ! Cela me ravit hors de moi ; j’ai reçu beaucoup de lumière sur ce mystère, et la sainte Enfance de Notre-Seigneur… Oh ! Que j’ai puisé de force et d’amour ! Oh ! Soyons bien petites comme Jésus ! Le Petit Jésus, comme Il m’a appris de choses touchant l’humilité, la simplicité ! Oh ! La simplicité lui est agréable… Il m’a appris à être simple, et à me laisser conduire comme un petit enfant… »

« Telle je l’ai vue vivre, telle je l’ai vue mourir »

dira Sœur Marie de la Trinité, qui fut sa novice, et l’héritière de son esprit.

« La simplicité de sa mort étonnerait, si l’on ne savait que l’âme vraiment simple est celle qui s’approche le plus de Dieu »

Sœur Marie de la Trinité