Acte d’amour

Trouvé dans les papiers épars de Sœur Aimée de Jésus, écrit, sans doute, après une communion.

 » O Dieu ! O Vous, ma vie, mon amour, ma tendresse ! Vous êtes seul l’objet de mes affections, et le charme de mon cœur ! O le plus grand des seigneurs, le plus doux des maîtres, le plus tendre des Pères, le plus fidèle des amis ! Comment vous nommer, comment vous qualifier, divin Epoux de mon âme ? Je vous aime parce que le Prophète a dit que vous êtes le plus beau des enfants des hommes ; je vous aime encore parce qu’il a dit que vous étiez sans beauté et méconnaissable à la vue, car pour le cœur il n’en est rien. Je vous aime au plus haut des Cieux, à la droite de votre Père, adoré des séraphins, chanté par les martyrs, aimé par les Vierges et par des millions de saints, de toute tribu et de toute langue. Je vous aime, ô mon Dieu, ma vie ! Je vous aime autant à Bethléem, à Nazareth, en Judée, au Calvaire ! Que dis-je ? Je vous aime plus en ces lieux, parce qu’on vous y aime moins, vous mon Dieu et mon Tout !

Je vous aime, petit enfant sur le cœur de Marie, ma Mère chérie ! Je vous aime, adolescent dans l’atelier de Joseph, votre père et le mien ! O mon Jésus, je vous aime avec les petits enfants que vous caressez, que vous bénissez, que vous embrassez, parce qu’il me semble que j’en reçois quelque chose ! Je vous aime avec les pécheurs, avec Madeleine surtout, parce que, comme elle, j’ai reçu de votre miséricorde le pardon de mes péchés, et que vous n’avez pas dédaigné les larmes de mes yeux et l’amour de mon cœur ! Je vous aime à tous les âges de votre vie ! Je vous aime dans vos souffrances et dans votre gloire, dans vos veilles et dans votre repos, dans vos actions et dans vos contemplations ! Toujours vous êtes mon Bien-Aimé, parce que toujours vous êtes égal à vous-même, et que, comme votre Père, vous êtes immuable, éternel, Dieu enfin !

Comment donc se fait-il qu’on ne vous aime pas, ô mon divin Seigneur ? O beauté qui transportez mon cœur, comment se fait-il qu’en vous aimant, on soit encore capable de vous offenser, ô mon amour ? Avec votre Eucharistie, la vie me serait supportable, adoucie par le bonheur de souffrir, mais la nécessité où je suis de faillir et de vous déplaire me la rend accablante ! O Vous qui savez que je dis vrai, m’appellerez-vous donc bientôt près de vous ? Pardonnez à ma tendresse ce cri de mon cœur. Tout ce que vous voulez, je le veux aussi, puisque je vous ai donné ma volonté. Je vous l’ai dit au beau jour de l’alliance, ô mon Epoux, vivre ou mourir peu m’importe, pourvu que je vous aime, et que vous me préserviez de l’offense volontaire. Je ne change rien à ma prière, parce que c’est vous seul que je veux, ô mon unique Bien-Aimé !

En considérant l’ingratitude des hommes, et la mienne en particulier, je me sens oppressée, je me sens triste jusqu’à la défaillance, mais la pensée de l’amour que vous vous portez à vous-même, ô beauté ! ô perfection ! ô le tout de mon âme, cette pensée, dis-je, me console et change mes larmes en joies et en jubilations ! O Seigneur bien-aimé ! Je m’interromps toujours, pour vous donner un nom nouveau, et ce nom, je ne le trouve pas dans la langue humaine, je ne sais l’écrire, mais il est gravé dans mon cœur !

O Jésus, je vous disais, tout à l’heure, ma joie de savoir que vous vous aimez ! Oui, je vous rends grâces pour votre gloire infinie, pour vos amabilités incomparables ! Oui, vous vous aimez, il ne peut en être autrement, cela est juste et raisonnable et mille fois digne de mes louanges et de mes cantiques d’allégresse ! Sur la terre, on vous méconnaît, mais au ciel on vous chérit. Il me tarde d’y être pour vous chérir à mon aise, pour vous voir comme je le souhaite, mais il faut travailler pour mériter cet éternel et saint loisir !

… Mais, ô mon Dieu ! Quelle triste pensée ! Pourriez-vous , Seigneur, un jour me condamner, me priver de vous à tout jamais ? Cette seule idée glace mon sang dans mes veines, inonde mon visage de larmes ; je sens tout frémir en moi et mon âme devient triste jusqu’à la mort. O mon Dieu, ayez pitié de moi ! Sauvez-moi dans votre miséricorde ! Si un malheur semblable m’était réservé pour mes nombreux péchés, sachez par avance, ô mon Bien-Aimé, que ma bouche ne maudira jamais votre adorable Nom, et que le feu de l’enfer me brûlera moins que celui de votre amour … Mais je dis l’impossible, ô Seigneur de ma vie, donnez-moi votre ciel, donnez-vous à moi, car vous êtes mon seul Paradis, et sans vous le ciel ne peut tenter mon cœur !

Je veux beaucoup souffrir pour vous gagner des âmes, afin que si la mienne vient à se perdre, elle soit consolée par la pensée de la gloire qu’elle vous aura procurée. L’élan incessant des damnés vers vous, malgré la haine qu’ils vous portent et que vous leur portez vous-même, me donne bien une idée de votre beauté souveraine ; encore, ils n’ont point vu votre visage dans sa douceur et sérénité ; ils ne l’ont vu que plein de colère. Vos yeux divins et votre regard si suave n’ont lancé sur eux que des éclairs, et votre tendre voix n’a été que comme la foudre et le tonnerre pour les repousser loin de vous. Combien cette considération me donne à réfléchir !

Non, mon Dieu ! Quelque chose me dit que je vous verrai, que je vous aimerai ! Je me donne de nouveau à vous, ô le plus beau des Epoux ! Détruisez, consumez par le feu de la charité tout ce qui est amour-propre, sensibilité, vie naturelle, moi humain ! Que j’avance à chaque instant dans vos voies, la main dans la vôtre, ou seule sur le chemin, vous, étant caché derrière la haie du jardin intérieur ! Vous seul, pas de créature, pas d’affection, plus de moi-même, plus rien, que vous aimer et souffrir, en attendant que vous vous montriez à moi pour toujours dans l’éternité !… Amen. « 

Sœur Marie Aimée de Jésus o.c.d.


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